Le vieil homme et la passante .
J'ai retrouvé votre adresse en interrogeant des voisins du quartier .
Je vous envoie donc cette lettre, car je pense à vous .
J'espère que vous allez mieux .
J'espère que vous allez mieux .
C'était le matin, vous sortiez de la boulangerie, je crois ...
Lentement, très lentement je vous ai tendu la main .
Vous vous y êtes cramponné ; j'ai réussi à vous extirper de là .
Vous étiez assomé ; vous n'aviez pas vu la plaque d'égoût qui vous avait englouti .
Vous saigniez un peu sur le visage .
C'était rapide, cruel comme l'indifférence qui a suivi votre chute .
Vous avez gémi, vous êtiez étourdi .
Puis vous avez perçu des voix autour de vous ; des voix rieuses , des voix moqueuses, des injures .
C'est ce que vous m'avez dit, à moi qui me suis arrêtée pour vous aider .
Plusieurs personnes ont cru que vous tombiez d'ivresse .
Plusieurs personnes ont terni votre humanité par leur rires méprisants .
Vous avez eu peur .
Un viel homme tombé dans une bouche d'égout ouverte et qu'on ne prend pas le soin de relever .
C'est tout simplement ça que vous étiez ce jour là, ni plus, ni moins .
Je suis passée par là et je vous ai lentement rendu votre dignité .
Vous m'avez remercié .
Ca m'a fait chaud au coeur .
Et je vous remercie maintenant à mon tour, de m'avoir fait penser à ce que j'allais devenir et à la fragilité de ce que je suis toujours .
Un être humain dans l'indifférence de la foule, dans le désert des inconnus.
J'ai lu dans vos yeux la reconnaissance des nourrissons qu'on abreuve .
Je me suis identifiée à vous, trébuchant et plaintif et plein d'attente.
Je vous dois la compassion dont je fais preuve désormais envers toute personne qui trébuche sur le trottoir bien sûr, et ailleurs, ailleurs ...