Zoé la servante

Publié le par Annick Brillant

 Je m'appelle Zoé, je suis servante.

Vous savez certainement que les fées peuvent faire des miracles.

Oui, bien sûr, vous savez !

Mais pas en toutes circonstances.

Ceci vous ne le saviez peut-être pas ... c'est la nuit de Noël qu'elles décident du ou de la miraculée à venir.

Oui, les fées aussi fêtent Noël depuis deux siècles je crois et d'une étrange manière que je vais vous conter.

Jadis, avant les Rois mages, elles se penchaient sur les berceaux et "hop", d'un coup de baguette magique... vous connaissez la suite .

Mais les Rois mages ont compliqué leur tâche et voilà comment cela se déroule désormais.

Chaque année, le 30 novembre, elles commencent par confectionner ensemble un calendrier de l'avent un peu spécial ; ce ne sont ni les 24 cases remplies de chocolats, ni le même nombre de fenêtres décorées à ouvrir, ni des bougies à allumer, non, rien de tout cela.

Vous devinez sans doute ?

Oui, c'est exact, ds listes, bien sûr, ce sont des listes.

Elles écrivent des listes de mots.

Chacune d'entre elles doit écrire cent mots sur un long parchemin de papier très fin, du papier hostie.

Cela leur prend vingt cinq jours avant Noël : quatre mots par journée, deux beaux et deux laids.

La difficulté est qu'elles n'ont pas le droit d'utiliser ceux de l'année dernière, ni ceux bien sûr d'une autre fée, ce serait trop facile autrement !

C'est inouï la mémoire d'une fée, inouï !

L'encre qu'elles utilisent sent bon car elles distillent des pétales de fleurs pour la fabriquer, mélangée à un peu d'ambre grise.

Une plume d'oie sert à consigner les mots, et peu importe l'ordre et peu importe l'orthographe.

Au final, seul le goût comptera.

Cent mots à écrire à l'encre parfumée sur un parchemin. Simple .

Et à la clé ... un miraclme.

Ensuite, quand les listes sont terminées, le matin du réveillon, elles préparent des mets aux saveurs exquises ; c'est là que j'interviens, moi, Zoé leur servante ; j'épluche, je lave, je rince, je fais bouillir, je récure, je frotte,...

Mais pour ce qui est de l'incontournable spécialité : la meringue fondante dentellée, je ne peux pas vous en dire davantage ; je ne connais pas la recette ; je sais seulement que l'ingrédient principal est le blanc d'oeuf monté en neige à la baguette, puis posé magiquement sur la fameuse liste de mots écrite pendant des jours et des jours.

Quelques minutes de cuisson suffisent.

Un délice.

Goûtez-en si vous avez l'occasion.

Mais, attention pas d'abus, surtout pas d'abus !

Une heure avant le repas, elles dressent une tablée féerique.

Je les aide bien entendu, modestement.

Et puis, quand tout est prêt, elles me laissent seule poure allumer le feu dans la grande cheminée et elles sortent ; pour attraper un docteur.

Au hasard.

Pas le hasard des statisticiens, non celui des fées, un hasard très spécial.

Elles le happent.

Ne me demandez pas comment elles font  ; elles n'ont jamais voulu me le raconter et encore moins me le montrer.

Dès qu'il arrive dans leur deumeure, elles lui offrent un délicieux repas en guise de bienvenue, un repas de réveillon d'une finesse incomparable et puis quand il a terminé le dessert, ce cher homme, elles l'écoutent ; c'est aussi simple que ça.

Mais attention, gare à celui qui dit n'importe quoi !

Le pouvoir des fées est sans limite, enfin, presque.

Elles parlent toutes les langues, elles comprennennt tous les mots, toutes les paroles ; elles sont perspicaces, même si le plus souvent elles se taisent et écoutent les autres, silencieusement.

Gare au docteur, il ne doit pas raconter des broutilles, non.

C'est un miracle qu'elles attendent, un miracle, ni plus ni moins.

Et comme ce sont des fées, et qu'elles ont des pouvoirs magiques et bien, dès que le miracle est relaté, hop, elles le réalisent ... vé ... ri ... ta ... ble ... ment ...

Ca non plus je ne sais pas comment elles font.

Je sais juste qu'un miracle n'est jamais divin mais féérique ; c'est aussi simple que ça, je crois !

Cette nuit-là, c'est le docteur Bonenfant qui avait été happé - au hasard -

Il n'avait rien compris à ce qui lui arrivait et puis il ne  savait pas trop quoi dire devant tant de fées, car des miracles, eh bien il n'en avait jamais vu de sa vie et puis il était intimidé par les femmes.

A la fin du repas, il ne quitta pas la table tout de suite, car il était très très enquiquiné ; il répétait :

- " Un miracle, un miracle ... mais si..., j'en ai un, et un bien étrange encore ; c'est une histoire fantastique.
J'ai vu un miracle ! Oui, mesdames, un miracle, la nuit de Noël !"

Il disait n'importe quoi pour faire passer le temps et peut-être aussi car il commençait à avoir peur, qui sait ?

- Aaaaaaaaaaaah ??? ont-elles murmuré d'une seule voix.

Elles le regardèrent très attentivement retenant leur souffle.

Pris de panique, .......................... il tendit précipitemment son assiette, comme un imbécile.

Une deuxième part ; il souhaitait une deuxième part.

Il osa demander une deuxième part de meringue fondante dentellée aux fées le soir du réveillon de Noël.

C'était inouï, incroyable, extraordinaire mais pas féerique du tout, ça je vous le dit !

Il ne restait plus que leurs regards et le silence qui envahissait la salle.

Le docteur ne comprenait pas pourquoi tant d'étonnement, d'agacement dans le regard des fées.

Il était mal à l'aise.

Elles le resservirent néanmoins, poliment.

De vraies fées. Et ceci se répéta toute la nuit.

Une fois, deux fois, trois fois ; et à chaque fois, il en redemmandait!

Et le repas ne se terminait pas ; et elles attendaient le miracle et il mangeait, mangeait, mangeait.

Je ne crois pas que c'était gourmandise de sa part ce besoin de se remplir de la sorte.

 

Cela dura toute la nuit, oui, toute la nuit.

 

Et au petit matin, chers amis, désolée de vous décevoir, ce sont elles , les fées, qui sont restées sur leur faim, sans un seul miracle, car le docteur Bonenfant avait mangé tant et tant de meringue fondante dentellée, qu'il ne pouvait plus parler.

Il était écoeuré, malade quoi !

 

Elles l'ont laissé sortir dans le parc ; je l'ai accompagné et en refermant la porte j'ai cru en entendre une qui disait aux autres :

Non, ça ne se passera pas comme ça !

 

Je n'ai pas bien compris pourquoi, mais c'est comme ça que ça s'est pasé .

 

Publié dans aupieddumur

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