Taper le carton !

Publié le par Annick Brillant

http://www.galerie-boulet.com/

Toile de Elena et Michel GRAN - Léventail de cartes -
( en allant sur le lien, s'il marche, vous verrez la toile en entier !
elle est sublime !)






Chaque semaine, c'était la même chose ; il fallait se répartir les rôles .
Qui de nous quatre allait devenir qui ?
On tirait au sort les deux couleurs - rouge ou noir ... puis la plus jeune choisissait sa carte etc...
Il suffisait alors de déposer un doux baiser sur la couronne de papier et hop ... disparition ...
Nous guettions mes trois amies et moi, et en quelques  secondes il fallait nous glisser dans la partie de cartes de ces messieurs sans qu'il s'en rendent compte .
sans se faire piéger
sans se sentir aux abois
sans être prisonnière
et sans rire surtout !
c'était ça le plus difficile !
Ils nous croyaient à la maison,  les idiots !

On profitait d'une tournée supplémentaire apportée par le barman ; deux mauresques, un perroquet et une tomate au Ricard bien sûr, au Ricard !
... c'était assez  facile ; il suffisait d'attendre la troisième tournée ; le tour était joué .


flouououppppp !

... nous devenions  des Dames ...

Ce n'était qu'un jeu, on le savait, mais qui pouvait mal tourner néanmoins, si les joueurs arrêtaient trop tôt ou nous manipulaient trop mal ...
Nous avions le goût du risque .
Nous étions prêtes à tout pour les enquiquinner .

Deux fois par  semaine, depuis vingt ans, ils se retrouvaient au bar du coin pour taper le carton .
Et on leur en voulait à mort, à ces quatre messieurs - nos maris - qui  ne voulaient plus jouer avec nous .
Les femmes, à la maison, disaient-ils : des abrutis !

Le  comble de la médiocrité masculine .
Et comme des idiotes, on les avait épousé ! Pour le meilleur et pour le pire en plus !

Nous ignorer, nous les quatre inséparables ; il en était hors de question .
Toutes les diseuses de bonne aventure rencontrées, les marabouts, les cartemanciennes nous avaient prévenues
- on les aurait tôt ou tard, on les aurait -

Ils allaient perdre leur manie de couillons et s'occuper de nous !

Les belotes succédaient aux belotes , chaque semaine , le mercredi  et le samedi , même café, même heure , même tablée ... lassant, lassant ...

Dès que nous devenions des Dames, ils avaient beau tenter toutes les ruses possibles et inimaginables dans  leur jeu pour poursuivre concentrés leur partie,  on se débrouillait toujours pour fausser le dernier pli, le dernier atoût  et leur partie était ridicule, courte, foutue d'avance , brouillée  ; personne ne gagnait ; personne ne perdait ; cela finissait par des disputes ... des enguelades et chacun rentrait chez lui ...

HIHIHIHI !
Nous quatre, on jubilait, coincées entre leur doigts , caressées, tripotées, cornées malgré tout et semant la zizanie surtout .

C'était  bon !


On devenait Pique, Trèfle, Carreau ou Coeur  dans le seul espoir de les faire suer, pour qu'ils doutent de leur amitié, pour qu'ils renoncent à leurs parties , qu'ils se disputent, qu'ils se menacent ...

De vraies garces de carton !


Aplaties, mais vivantes nous glissions dans le bonheur d'un jeu simple ; une séduction de papier, une partie  qui changeait de nos habitudes frigides ou frivoles selon les amies .   Excquise métamorphose  !

- mercredi 8 mars 2006 - journée internationale des droits de la femme : ça va cartonner encore ce soir ...-

Droit numéro un lamentable et bon : la vengeance des Dames !


 



Publié dans mystères

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M
<br /> une mère qui n'oublie pas ses fils : heureusement qu'ils ne sont pas tous > sauf à leurs heures . Et nous les femmes ??
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A
Merci à vous deux, d'avoir "engagé" le pli des réponses !
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R
Excellent...!! Vraiment excellent.<br /> En voila une dame qui a joué la bonne carte<br /> et<br /> ne dit pas des<br /> platitudes.
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D
Délicieux, ce conte philosophique, je vais désormais jouer aux cartes un peu différemment.<br /> A vous relire ,Madame.
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