Donnez-vous la peine d'entrer !
Elle n'avait jamais rien compris, jamais !
Mais ses amies l'appréciaient malgré tout .
Ce soir là, elle passait en revue les uns après les autres les livres poussiéreux de l'étagère de Sylvain.
Il lui avait prêté sa piaule ; elle l'imaginait, sur le pas de la porte, lui disant d'un ton poli :
" Donnez-vous la peine d'entrer."
Sylvain, c'était l'ami d'enfance de Christiane et Christiane une très bonne copine de fac .
C'est celle ci qui avait autorisé Sylvain à lui donner les clés de son logement pendant son absence alors qu'il n'était pas convaincu du tout de le faire.
Elle avait répondu à son ...
" Tu crois qu'elle est pas trop flippée avec ce qui lui est arrivé ? "
par un...
" Je te dis que elle va assurer , crois moi !"
et quand Christiane disait ... alors Sylvain faisait !
Devant la porte d'entrée elle savait qu'elle n'avait ni le droit de se jeter par la fenêtre, ni le droit de se tirer une balle dans la tête et d'ailleurs elle ne jouait plus à la balle depuis bien longtemps, ni même celui d'avaler un tube de cachets ... ça fait désordre !
Non, juste le droit d'une insomnie, lente, dans l'absence d'effort qui la serrait depuis peu comme un étau ; lente, prenante comme une plainte démesurée et un cri sans fin, le diapason de la patience forcée, réglé indéfiniment par le temps ...
C'est ainsi, qu'elle était entrée chez Sylvain, comme chez elle, simplement.
A l'aise dans beaucoup d'endroits, curieuse de la vie des autres et tellement loin de la sienne ces derniers temps .
... légère pression sur l'interrupteur, gilet posé sur une chaise, sandales lancées près de la porte pour ne pas salir le tapis, vite fait, bien fait ...
Elle contempla l'immense bibliothèque d'étudiant sans bouger.
Au bout de quelques heures, elle décida de lire, de relire plutôt, d'oser affronter la concentration et l'attention que demande toute lecture.
un droit réinitialisé ... l'appel des neuronnes ...
une nuit blanche avec pages noircies par les autres ... merci les autres ...
un partage à sens unique ... toujours ...
une liberté retrouvée ... enfin ...
un immense effort ... hélàs ...
Alors, d'un geste rapide, pour ne surtout pas revenir sur sa décision, elle attrapa un livre dont la tranche dépassait.
Ce n'était pas un livre intéressant !
un traité d'économie fastidieux
Mais la tranche dépassait ... et elle l'avait remarqué depuis un bon moment.
Une enveloppe tomba sur le sol.
Elle se baissa, la ramassa, et reposa le livre sur l'étagère.
Elle s'approcha du canapé pour s' allonger enfin et ouvrit l'enveloppe.
Elle contenait une photo.
C'était une enfant, une petite fille ; on la reconnaissait par la taille et la chevelure mais chose étrange son visage avait été remplacée par une tête d'éléphant.
- un montage, stupide ou ludique ? -
L'enveloppe contenait également un petit morceau de papier à lettre orange, de la taille d'un origami, mais pas plié ainsi .
Sur ce carré de papier coloré, cinq mots étaient griffonnés :
éléphant- abricot - plonger - cartons - rock and roll -
Alors, subitement, elle comprit ce qui lui restait à faire de sa nuit et se leva pour chercher dans son sac à main un .....
Annick SB